Apologie de la fiction

La fiction nous immerge dans un univers de possibles qui n'existe pas mais pourrait ou aurait pu exister

Aujourd'hui, nous constatons un retour en force d'une forme de « mentalité magique », un désir de ré enchanter un monde, peut-être en réponse à un environnement froid et urbain qui nous dépasse ou juste qui ne nous satisfait pas.

Je dis merci aux progrès de la science qui met à notre disposition de plus en plus de technologies qui nous enchantent mais nous vivons aussi une époque ou les excès et les défaillances d'une sorte de "surrationnalime" font sentir un besoin urgent de s'évader dans la déraison, le romantisme et la fantaisie, de se laisser emporter le temps d'un film ou d'un roman hors de notre environnement réel.

Certains diront que les fictions sont des divagations usurpant la place de la droite raison qui seule devraient emporter notre adhésion.

Encore fallait-il que nous ayons une prédisposition à accorder foi à ce que nous savons pourtant être faux. Cette prédisposition a pour nom imagination. Pour les ennemis de la fiction, il s'agit là d'une faculté dangereuse, qui prend la place du réel et soumet nos émotions à la passion et au désir alors qu'elles devraient obéir aux injonctions du réel et de la raison. Ces chimères de l'imagination finiraient pas envahir notre vie réelle en sorte que toute distinction entre le vrai et le faux devient impossible

En bref, C'est l'histoire d'un homme qui, à force de lire des romans n'était plus capable de discerner le réel de l'imaginaire. Voilà qui ferait une bonne fiction.

Soyons sérieux, mais pas trop longtemps,

Une bonne fiction possède en effet un ensemble de caractéristiques qui fait que nous y croyons. Ou du moins que nous nous laissons porter par son contenu.

Elle est créatrice d'univers mimétiques, c'est à dire qu'aussi invraisemblable soit-elle, elle est fondée sur une relation de ressemblance avec la manière dont nous concevons la réalité. Il faut que la fiction, aussi originale soit-elle, soit de l'ordre du concevable. Même l'univers le plus éloigné du notre emporte notre adhésion pour peu qu'il possède une cohérence interne propre. Ainsi, les univers fictifs sont gouvernés par des coutumes, normes et valeurs qui nous concernent directement et auxquels nous adhérons suffisamment pour pouvoir vibrer en harmonie avec leurs héros.

Si une fiction franchissait les limites de ce que nous sommes capable d'imaginer être possible nous ne pourrions y croire et n'aurions pas la sensibilité d'y réagir.

Alors oui, l'un des effets principaux de l'oeuvre de fiction est de permettre au spectateur d'oublier leur environnement mais juste le temps d'un film ou de quelques pages d'un roman et l'oeuvre de fiction, bien loin de nous déconnecter de la réalité, est aussi créatrice de liens sociaux. Combien de conversations passionnantes commencent elles par « Ça raconte quoi ce que tu lis ? » Ou « As tu vu tel film ? » La richesse d'un univers imaginaire est aussi sa capacité à générer un échange agréable et par là valorisant pour les interlocuteurs.

Quelques penseurs diraient aussi que la fiction n'est rien, qu'elle est dépourvue de substance puisqu'elle n'est pas réelle,

A ceux là je répondrais : Si le fictif n'est rien d'où vient qu'il génère des émotions si puissantes ? Et je leur retournerais la question : Qu'en est-il du réel ?. Qu'est-ce qui est le vrai réel ? Comme disait Aristote.

Quand de brillants philosophes écrivent des articles de vulgarisation dans l'idée de vanter les mérites de la raison et de la réalité sur l'imaginaire, et qu'ils le font à l'aide de vocabulaires et de concepts compréhensibles par environ 10% de la population, sont-il vraiment plus proche de la réalité que celui qui laisse de coté cet article pour rêver devant une oeuvre de fiction ?

Alors oui, je le concède, à travers les fictions de ce site, j'aimerais vous faire croire à l'existence de ce que vous savez être faux et à travers mes recherches vous faire rêver à ce qui aurait pu exister.